Le Fort

Connu aussi sous le nom de fort de LÖWENDAL, le fort à massif central a été construit entre 1875 et 1880. Son concepteur est le général Raymond Adolphe SÉRÉ DE RIVIÈRE (1815-1895). Ce fort eut le privilège de recevoir le Tsar Nicolas II en 1901. Il peut contenir 394 hommes et possède une poudrière d’une capacité de 85 tonnes. Vite occupé par les Allemands à la première guerre mondiale, le fort de Witry-lès-Reims ne résiste pas longtemps non plus à l’offensive allemande de juin 1940. Aujourd’hui, plusieurs salles et tunnels rappellent qu’il y eut un jour un magnifique fort.

Aménagement

La garnison est logée dans des casernements protégés (appelés casemates) donnant sur la gorge. Ces casemates sont chauffées par des poêles qui prennent l’air dans le couloir de la caserne par une conduite en brique placée sous le sol.
Le ravitaillement se compose de vivres de réserves, de quelques puits et d’approvisionnements divers stockés dans des magasins. Au centre du fort, on remarque les locaux de la boulangerie et pour la cuisine, un four de 350 rations. Un autre local existe également pour le puits de pompage (non maçonné) de 84 mètres de profondeur, donnant 5 m³ d’eau par jour et remplissant des citernes cimentées d’une capacité de 180 m³. Il est actionné par une noria de mulets.
Le fort est ceinturé par un impressionnant fossé (10 mètres à la gorge sauf devant la caserne où il n’y a que 6 mètres et 14 mètres sur les faces et les flancs).
Il est de loin, en surface, le plus grand fort de la ceinture défensive rémoise avec celui de Nogent-l’Abbesse.
L’artillerie lourde est installée à l’air libre dans des postes crénelés pour protéger les servants. Les pièces sont dissimulées aux yeux de l’ennemi par un rideau d’arbres.
Le 9 juin 1940, le fort est bombardé par l’aviation allemande avec des bombes de 250 kg. Le 10 juin, une attaque de chars est repoussée par des canons de 25 (diamètre des obus). Le 11 juin, une première attaque allemande à l’ouest de la route de Reims est repoussée à coup de canons de 75 et de mitrailleuses (d’après un courrier écrit par un ancien du 92ème régiment d’infanterie de Clermont-Ferrand arrivé à Berru le 7 juin 1940 avec du matériel moderne). Il y a beaucoup de blessés et de morts chez les Allemands. Mais, une heure plus tard, une attaque par le nord, précédée par un immense tir d’artillerie, ne laisse aucune chance aux Français.

La poudrière

Doublage intérieur de la voûte par une brique plâtrière. De part et d’autre de la poudrière se trouvent des galeries sanitaires destinées à isoler les murs des remblais extérieurs. Sous le dallage existe une double galerie sanitaire.

Au-dessus du dallage est fixée une planche en bois de 35 mm sur lambourdes (sorte de chevrons scellés au sol par du bitume). Les lames de parquet sont assemblées par rainures et languettes reliées aux lambourdes par des pointes de bronze. Toute les pièces métalliques en fer sont exclues pour éviter tout risque d’étincelles qui peuvent mettre le feu aux poudres. Les gonds, serrures, ferrures, gâches sont obligatoirement en bronze (ne provoque pas d’étincelles).

Les préposés à la manipulation des poudres sont chaussés de sabots, les chaussures cloutées sont interdites sous peine de sanction grave.
La poudrière est éclairée par des chambres aux lampes séparées du stockage des poudres par une vitre épaisse de trois centimètres enchâssée dans un cadre en bronze.

La vie au fort

Recrutement

Les fantassins comptent pour 70% des recrues. Ce sont des agriculteurs ou des ouvriers des usines environnantes, quelques commerçants mais en général, des gens rompus aux travaux des champs, (les pelles et les pioches ne manquent pas au fort). Ils ont un niveau d’instruction assez contrasté, leur taille est moyenne mais leur corps robuste.
Les artilleurs et les hommes du Génie comptent pour 15% des recrues. La sélection est plus rigoureuse, issus du secteur secondaire, ils sont soit artisans : charrons, forgerons, maréchaux-ferrants, cordonniers mais aussi issus des professions agricoles. Ils sont forts, grands et surtout plus instruits que leurs collègues fantassins. Ils doivent assumer de plus grandes responsabilités.
La présence des détachements militaires dans le fort se fait après six mois de classe à passer, entre les murs de la caserne close du régiment d’incorporation, à apprendre à se familiariser avec les armes, les grades et le pas cadencé, sans oublier les gardes, les corvées et maintes revues tatillonnes.
Dans le fort, la discipline est moins sévère. Une fois par an se font des manœuvres de grande envergure dans la campagne.
Reste la journée de quartiers libres, en particulier le dimanche.

Le casernement

Chaque chambrée (casemate) a une largeur de six mètres, qui permet de placer un rang de lits de chaque côté, tout en ménageant un passage central de deux mètres.
Pour égayer un cadre assez austère et sans doute pour donner du moral aux soldats, les gouverneurs des forts les autorisent à exercer leurs talents de décorateurs sur les murs blanchis à la chaux.
Les lits en fer sont à quatre places et pèsent 165 kg. Le fond de chaque étage du lit est formé de planches qui supportent une paillasse, d’un matelas de laine et de crin, d’un polochon, de deux draps et de deux couvertures.
Le châssis antérieur de chaque lit porte quatre rangs de crochets qui permettent de suspendre horizontalement les fusils des quatre hommes qui occupent le lit. Il faut ajouter une planche à bagages, une tablette abattante sur laquelle les hommes mangent ou écrivent et un tabouret.
Les sous-officiers et officiers sont logés par quatre avec un ameublement plus soigné.
Seul le gouverneur du fort a droit à une chambre individuelle.
Le pain est distribué pour plusieurs jours et est conservé sur des planches à pain suspendues au plafond.
Dans la plupart des locaux, l’aération se fait naturellement par des courants d’air créés par les cheminées aboutissant au-dessus du fort.
L’hiver, le chauffage des chambrées est assuré par des cubilots (poêles à charbon ou à bois).
Au fort, une chambrée tient lieu de salle de soins.
En cas de guerre, une ou deux chambrées supplémentaires peuvent être aménagées pour les malades ou les blessés.
Les médecins militaires restent les parents pauvres des régiments avec très peu de moyens et surtout un manque de considération des autorités supérieures.

La nourriture

Au début de la construction du fort, les repas sont pris dans les chambrées mais l’odeur de graillon et les déchets tombant à terre attirent les rats et insectes. Il est donc vite décidé de prendre ceux-ci dans des vastes cuisines voûtées.
L’équipement bénéficie d’un certain modernisme dû à une époque en pleine évolution industrielle. Les anciens fourneaux fixes "CHOUMARA" en brique sont remplacés par des fourneaux "VAILLANT" mobiles en fonte. Chaque fourneau supporte quatre grandes marmites de 75 litres. Puis la marmites "BERNARD" arrive. Elle cuit 800 litres de soupe.

Les repas de la journée sont :

Le petit-déjeuner : il est composé d’une soupe chaude et d’un quart de café, ou de la viande froide, saucisson, pâté et d’une sardine ou du fromage et d’un quart de café.

Le déjeuner : d’une soupe, plat de viande et plat de légumes et un quart de café.

Le dîner : d’une soupe, plat de viande et plat de légumes.

Les sous-officiers et officiers mangent, dans un local situé à l’extérieur du fort, un menu amélioré.

Du tabac et cinquante allumettes par homme et par quinzaine sont distribués en toute saison.

La boisson

L’eau est la boisson consommée par les troupes. Dans les années 1880, une ration de vin est octroyée parfois au repas du midi.

 

Texte extrait du livre Il était une fois… Witry-lès-Reims de Marie-Thérèse WATELET et Nadine LOILLIER en vente en mairie.